mercredi 14 avril 2010

À cause de Millénium

Depuis que j’ai complété mon Bac en Littérature Comparée à l’U de M, j’ai négligé ma propre passion pour la question de l’identité féminine. Puisque j’ai choisi de ne pas poursuivre mes études universitaires, pour des raisons plus que complexes, j’ai tenté d’oublier la théoricienne en moi. Je me vois aujourd’hui presque obligée de reprendre la plume et mes réflexions après les quelques mois que j’ai passé en région.

Je me rends compte, avec horreur, à quel point nous avons délaissé, nous les femmes, les batailles nécessaires à l’obtention d’une égalité des sexes. Oui, il s’agit effectivement d'un vieux débat, un débat et une position desquels la plupart des femmes et jeunes filles se soustraient avec enthousiasme, arguant haut et fort : « Je ne suis pas féministe.» Comme si être féministe était une tare honteuse. Dans un avenir rapproché, je reviendrai avec un bref historique du mouvement féministe et pourquoi nous en avons une idée si faussée.

Aujourd’hui, je ne tiens pas à être trop théorique. Je veux seulement ouvrir un débat sérieux. J’ai eu à vivre des moments difficiles dans ma condition de femme dans le marché du travail dans les derniers mois. Cela m’a d’abord si profondément choquée que j’en suis restée immobile pendant des semaines. Aujourd’hui après avoir été brutalement réveillée par un seau glacée de réalité, je recommence à écrire. Je viens de passer près de 4 jours au lit, à dormir, pleurer, lire, dormir encore, grignoter et dormir encore. C’est impossible, me suis-je dit ce matin. C’est impossible que nous soyons en 2010 et qu’il y ait encore au Québec des endroits où un employeur peut s’autoriser à juger et critiquer une employée sur ses relations amoureuses et interpersonnelles avant de juger son travail.

J’ai été témoin et victime de gestes que je ne croyais tellement plus possible dans le contexte où nous vivons que j’ai d’abord cru qu’il y avait quelque chose que je ne comprenais pas, qu’il y avait quelque chose que j’avais du mal faire.

Je suis entrée dans un monde où la femme n’a pas le droit d’être femme, elle doit être neutre. Bon, c’est le cas partout de nos jours, mais là, c’était tout simplement flagrant! On accepte d’engager une femme mais elle doit faire oublier son identité féminine.

La question devient très complexe à ce point-ci. Qu’est-ce que je veux dire par identité féminine? Chacune d’entre nous la vit à sa manière. Être une femme ne s’explique pas en énumérant une liste d’attributs. Pourtant, être une femme, devrait comporter autant de droits que d’être un homme. Ce n’est certes pas si évident au Québec, de comprendre que nous ne sommes pas si libres que nous le croyons, ni si égales… Pour certaines, je vais sembler m’égarer dans un monde imaginaire, le quotidien peut être si facile à gérer lorsqu’on ne s’interroge pas sur les conséquences de nos actions mais surtout, de nos acceptations tacites de situations qui étouffent notre potentiel de changement et d’évolution.

Je reviens sur la question de l’identité féminine. En termes concis, je considère que la base de l’identité féminine doit être puisée dans la biologie de la femme. En termes plus clairs, être femme, c’est habiter le corps d’une femme. Le corps d’une femme est d’une complexité magique. Être femme c’est être plus frêle qu’un homme (en général) et à la fois tellement plus forte car l’endurance émotionnelle et physique dont nous sommes capables à l’enfantement est de loin la pire douleur possible. Être femme, c’est avoir la chance de porter la vie, être femme, c’est avoir la possibilité de nourrir un être à partir de son propre corps. Être femme, c’est défier les lois de la physique en faisant mentir la phrase qui dit que deux corps ne peuvent pas de trouver au même endroit, au même moment. Être une femme, c’est donc être un être d’amour et de dévotion. Être une femme, c’est être un être de désir et de chair également. Être une femme, c’est toute une responsabilité.

Avant que quelqu’un s’insurge, je ne crois pas que ce que je viens d’écrire dans le paragraphe précédent signifie qu’une femme ne peut pas vouloir une carrière ou puisse ne pas désirer d’enfant. Je crois simplement que notre constitution biologique nous prédispose à certains comportements. Non seulement nous prédispose mais, également, nous dispense de toute nécessité de nous excuser de nos besoins. Par là, je veux dire que nous ne devrions jamais avoir à répondre à un employeur qui nous demande si nous voulons des enfants. D’abord, c’est personnel et, ensuite, ça ne doit en aucun cas servir d’argument discriminatoire. Les femmes ne devraient pas avoir à subir de coupe salariale parce qu’elles sont en âge d’enfanter. C’est aberrant.

Aujourd’hui, nous sommes encore confrontées à toutes sortes d’images qui faussent notre perception de nous-mêmes. Les jeunes filles, les jeunes femmes de mon âge, croient encore qu’il faut à tout prix devenir un objet sexuel pour obtenir une place dans la vie. Trop de femmes construisent encore leur identité à partir des images tronquées que les médias nous renvoient. Encore trop de femmes croient devoir s’accomplir à travers les yeux d’un homme. Comprenez-moi bien, je suis la première consciente de la nécessité d’une relation amoureuse dans la vie, mais j’insiste sur le fait qu’un couple ne peut pas être la base d’une construction de soi. L’identité doit être déjà construite avant que la relation commence, faute de quoi, quelqu’un en sortira quelque peu surpris.

Je viens de terminer le troisième tome de la série Millénium. Je n’ai pu que me reconnaître dans la situation qu’Erika Berger, un des personnages féminins, vit dans son milieu de travail. Une femme intelligente et compétente dont le travail est saboté par la condescendance et la peur masculine. C’est un peu pour cela que j’ai choisi d’écrire aujourd’hui. Si un homme en Suède est capable d’écrire un millier de pages pour dénoncer «Les hommes qui n’aim[ent] pas les femmes» (Stieg Larsson, Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, Actes Sud, 2006) eh bien, je crois qu’il est temps qu’on le fasse ici aussi.

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